La pandémie perdure, l’hiver s’étire, l’overdose de réunion virtuelle nous guette, pas de concerts en vue… Vous ne vous sentez pas très motivés à répéter ? Ça se comprend !
La chercheuse anglaise Susan Hallam (1995 ; 1998) a démontré que même les musiciens professionnels avouent avoir besoin d’une prestation ou d’un enregistrement à venir pour se motiver à travailler. Ces prestations à venir représentent une raison « externe » pour le musicien de se mettre au travail. On parle alors de motivation extrinsèque. À l’inverse, la motivation intrinsèque réfère à ce qu’on aime faire par pur plaisir : regarder votre série préférée, écouter le nouvel album d’une artiste que vous aimez, souper en amoureux le samedi soir (s’il vous faut être payé pour le faire, on a un problème).
On a malheureusement longtemps associé la motivation extrinsèque à quelque chose de complètement négatif, en plus de considérer la motivation comme étant soit intrinsèque, soit extrinsèque. On parle plutôt aujourd’hui de continuum de motivation (Ryan et Deci, 2000), puisqu’on reconnait que la motivation dite extrinsèque se décline en plusieurs nuances, de la plus basique (punition/récompense) jusqu’à des nuances qui comprennent de plus en plus d’éléments de motivation intrinsèque. (Je vous promets un épisode de balado sur ce continuum)
Ne confondez pas motivation à travailler et amour de la musique. Vous pouvez adorer la musique, adorer votre instrument, mais avoir le moteur complètement à plat quand vient le temps de faire des exercices techniques. Répéter est un travail et, en plus, c’est un travail qui porte fruit à très long terme, ce qui ne le rend pas toujours motivant à court terme.
Puisqu’on reconnait que le travail instrumental comprend des éléments inhérents de motivation extrinsèque, travaillons là-dessus plutôt que d’attendre que la motivation intrinsèque tombe du ciel !
Quelques avenues pour la motivation générale :
- Se créer soi-même une échéance et l’annoncer à d’autres personnes pour être redevable : petit Facebook Live, promesse d’une pièce enregistrée à un être cher, etc. Pourquoi pas filmer les différentes étapes d’apprentissage d’une de vos pièces pour ensuite en faire un montage pour diffusion sur les réseaux sociaux ?
- Se créer des objectifs clairs à court et moyen terme, et considérer le travail terminé lorsque les objectifs sont atteints plutôt que la fameuse sentence de « faire son X heures » !
- Se trouver un/e partenaire pour les propositions 1 et 2, qui vous donnera des commentaires sur vos vidéos au fil des semaines (et pour qui vous commenterez aussi ses vidéos), et quelqu’un avec qui vous vous promettrez quelque chose de plaisant lorsque vos objectifs seront atteints (cocktail Zoom vendredi soir si on a atteint tous les deux nos objectifs !)
Quelques avenues pour la baisse de motivation passagère (ou syndrome du vendredi pm)
- Au lieu de répéter à l’instrument :
- Écouter différentes versions de vos pièces sur YouTube ou autres services de musique en ligne ;
- Réécouter vos propres enregistrements passés pour constater votre amélioration ;
- Utiliser des stratégies sans instruments (solfège par cœur, analyse de la partition), des stratégies utiles et applicables confortablement assis sur votre divan ;
- Lire sur la gestion du trac ou la vie des compositeurs ;
- Écouter des balados sur la musique et des vidéos de classes de maître ou d’entrevues de musiciens sur YouTube.
- Finalement, repenser nos objectifs pour les réduire, en réussir quelques-uns à l’instrument, puis aller prendre un bol d’air frais ! Réussir un nombre réduit d’objectifs est préférable à ne pas travailler du tout, et il est fort possible que le bol d’air frais vous fasse un plus grand bien que de répéter alors que vous ne vous sentez pas à votre meilleur !
Bien que le travail de répétition ne soit pas naturellement motivant, faire de la musique l’est. En endossant l’aspect parfois extrinsèque de la motivation à travailler, il est fort possible que le plaisir de jouer (intrinsèque) vous revienne.
Bon travail ou bon bol d’air !