Je vis dans une rue tranquille située entre deux rues plus passantes. Dans les premiers jours de la pandémie, j’ai remarqué une jeune femme qui venait faire des pirouettes dans ma rue, alors que sa mère la filmait avec son cellulaire. Ça donnait une drôle d’image à première vue, et j’ai finalement compris que la mère était en appel vidéo avec l’entraineuse de patinage artistique de la jeune femme. Elle travaillait des sauts et une chorégraphie et recevait des commentaires de son entraineuse directement via le téléphone (Chapeau pour l’adaptation rapide dans le contexte pandémique !) Ceci s’est répété chaque après-midi, pendant quelques heures, au début du confinement.
Il y a quelques années, je revenais d’une conférence en Europe et je me suis retrouvé à l’arrière de l’avion, entouré de l’équipe de patinage de vitesse du Canada qui revenait des Jeux de Sotchi. Pendant le vol, j’ai remarqué que les entraineurs faisaient le tour des membres de l’équipe pour discuter avec eux comment ils se sentaient. Ensuite, lorsque les repas sont arrivés, une personne est aussi passée leur dire ce qu’ils devraient privilégier et éviter dans leur assiette. Ça m’a beaucoup fait réfléchir : ils s’occupent de ce qu’ils pensent et mangent en re-ve-nant des Jeux olympiques (imaginons le soin apporté en y allant !).
Comme les athlètes de haut niveau, nous devons aussi viser l’excellence. Or, en musique, on a traditionnellement une leçon hebdomadaire avec un seul enseignant d’une durée de 60 ou 90 minutes. « That’s it » comme dirait Molière. J’applaudis les institutions qui offrent à leurs étudiants de ressources supplémentaires sur la gestion de l’anxiété, la gestion du travail instrumental, la physiothérapie et la prévention de blessures, mais ce n’est pas offert de façon générale (ou régulière) dans toutes les institutions.
J’admire depuis plusieurs années le travail de Noa Kageyama, auteur du blogue Bulletproof Musician, qui travaille comme psychologue à la Julliard School of Music à New York. Arrêtons-nous sur cette phrase : un psychologue à temps plein dans une école de musique pour aider les élèves à travailler efficacement et à se préparer pour leurs prestations… Il y a là selon moi une reconnaissance extraordinaire que la formation du musicien professionnel est un travail multidisciplinaire, comme l’a reconnu le milieu des athlètes qui ont accès à leurs entraineurs, à des nutritionnistes, des psychologues sportifs, des physiothérapeutes, etc.
Voilà d’où vient mon titre 0,6 %. 0,6 % représente 1/168 : 168 est les nombres d’heures dans une semaine, et le 1 représente l’heure passée en cours d’instrument. On passe donc 0,6 % de notre semaine avec un support direct, et on doit gérer seul(e) 99,4 % du temps de la semaine ensuite ! Oui, il y a les autres cours, les repas, le sommeil, notre emploi, la vie personnelle, mais il demeure que personne ne nous aide à gérer tout ça en dehors de nos leçons. En outre, les enseignants sont souvent des musiciens professionnels qui n’ont pas nécessairement de formation en psychologie/physiothérapie/gestion de projet, bien qu’ils se retrouvent souvent à devoir endosser ces rôles pendant la leçon de 60 minutes !
Par mon blogue et mon balado, je souhaite contribuer au cheminement de chaque musicien ou musicienne en donnant un coup de pouce pour les aider à réfléchir et à repenser la gestion de leur travail instrumental, et je compte bien passer la parole à des invités pour discuter d’autres sujets comme la gestion du trac, la motivation, la prévention des blessures, etc. ! Parce que, comme je le mentionnerai dans mon prochain billet de blogue, l’atteinte de nos objectifs est beaucoup plus une question de qualité du travail instrumental qu’une bête question de quantité d’heures accumulées, et il arrive très souvent que la solution à un problème relève davantage de faire « mieux » que de faire « plus ».